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Mali, ces éditions qui font « avorter » des futures nobélisables en littérature

Pourquoi le jeune malien ne se fait pas souvent publier au Mali ? Le Mali, de nos jours, compte de plus en plus de maisons d’éditions. Naguère, écrire et éditer un livre, c’était la croix et la bannière. De plus, en ce temps comme aujourd’hui, l’écriture avait une faible portée au sein d’une jeunesse qui a fait du livre son ennemi numéro un.
Aujourd’hui au Mali, être jeune et réussir à faire éditer et publier son manuscrit relève presque de l’exceptionnalité. Autrement, il n’est pas aisé de voir un jeune écrire ou même lire au-delà des enseignements fondamentaux ou supérieurs qu’il reçoit.
En réalité, le jeune est occupé par une activité principale, discriminant toute ouverture à l’écriture ou la pensée : vivre activement et profiter de la vie. Etre viveur. Cette catégorie de jeune, majoritaire dans notre pays, est celle qui embrasse fougueusement le quotidien monotone.
Ce jeune est celui qui pense voir mais qui, en réalité, naufrage dans l’aveuglement intellectuel. Si, comme on dit, chaque livre recèle les meilleures pensées de l’auteur, une fusion des meilleurs pensées de Victor Hugo, de Karl Marx ou d’Amadou Hampaté Bah, feront de celui qui lit un visionnaire.

Le concours des pensées avance à une telle allure que je crains qu’il ne soit difficile pour notre jeunesse, malienne, de se rattraper et d’engager ses armes dans la guerre des idées qui agitent le monde. S’il rate aujourd’hui son billet pour le monde intellectuel.  Et ce serait bien dommage pour notre pays qui aspire à une émergence réelle, qui, dans son envol, prendra départ sur le sol de l’éducation et de la formation.
Il y a aune autre catégorie de jeune, celle qui est engagée, consciente et avisée. Aujourd’hui, au Mali, cette jeunesse éveillée, afflue de plus en plus vers les éditions afin de partager avec le monde leur réalité, leur vie, leur espoir, leur combat. Mais bien en dessous de la moitié des aspirants réussissent à concrétiser le rêve de publier leurs œuvres.
« L’erreur n’annule pas la valeur de l’effort accompli », nous dit Hampaté Bâ. Et si cette valeur était ébranlée, écrasée par le poids de l’avidité et de l’intérêt ?
Ils sont nombreux, ces jeunes qui se font éditer ; mais ils sont beaucoup plus, incroyablement nombreux, ces jeunes dont l’espoir est piétiné non pas par l’échec, mais plutôt par les us déplorables de ces « éditions-brise-espoir ».
Généralement, le jeune pour se faire éditer doit affronter l’irrévérence des éditions, qui leur font grief de leur âge et leur supposée « immaturité ». Le jeune, pour surmonter la pente de  cette mésaventure, doit supporter l’irrégularité, l’amateurisme de certaines éditions. Certains, plus que d’autres, vieillis dans ces activités,  se permettent le « sans-gêne ». Rarement la qualité est prise en compte. Car pour qu’une édition s’engage moyennement ou totalement dans une œuvre, il faudrait qu’elle y voie une rentabilité exceptionnellement juteuse. Mais cette option, visiblement, n’est pas accordée au jeune. Pour se faire éditer, il lui faut du temps, beaucoup de temps. La moitié de ce temps n’est que reflet d’une procédure hachée, sporadique. Je ne peux citer ces éditions, que j’ai vues et connues. C’est pourquoi, ici publier jeune est un événement tout à fait inédit. Pour celui qui est un inconnu dans ce cercle, et qui se projette dans cette aventure, on voit une admiration extraordinaire.
Beaucoup de jeunes peuvent se retrouver dans ces constats. Je ne ferais point un discours sur le parcours sinueux que j’ai mené avant la publication de mon livre en complément à ces vérités que je défends. Mais j’inciterais surtout les jeunes à poursuivre leur rêve et à le concrétiser.
Les plateformes pour soutenir les auteurs dans l’édition de leurs livres sont étrangères et peu nombreuses.
Ces aides sont générales, mais il faut bien, au-delà de cette contribution, particulariser le cas juvénile. Il faut encourager les jeunes dans toute la procédure. Les jeunes ne peuvent être édités comme les « patriarches ». Les jeunes méritent un suivi sincère et harmonieux dans toute la procédure éditoriale. Les jeunes aujourd’hui méritent un encouragement. Parce que ces jeunes qui se lancent dans une telle entreprise pourront, j’en convaincu, motiver et inspirer d’autres qui dorment encore dans l’inactivité et l’insouciance intellectuelle.
L’essor de notre nation est fortement lié à celui de la jeunesse. Au sommet de l’Etat, un effort particulier a été fait en ce sens cette année. Je m’en réjouirais moins que beaucoup de jeunes. Car cet effort qui a été réservé au ministère de tutelle, n’aurait servi qu’à de vains débats, n’assistant la jeunesse, ni au plan de la formation, ni dans celui de l’emploi, pourtant un volet qui a reçu les plus grands soutiens des institutions partenaires de l’Etat.
Mais encore une fois, ce n’est pas en soi une fatalité. Aux jeunes de bâtir leurs rêves au-delà des montagnes qui les contraignent à une fade destinée.
Si le Mali ne vous publie pas, alors publiez-vous ailleurs, là où la valeur de votre plume est reconnue.
Oumar Sidibé
Oumar Sidibé est l’auteur du roman « Une si troublante affaire… », publié aux Editions JAMANA. Retrouvez l’auteur sur son log « Le P’tit Ecrivain ». 
 Source: Journal Le Flambeau

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